[RP] Quand les heures sombres n'en finissent plus de tourner ...

Sur le point de se rendre à la salle d'armes, Enguerran fut alerté par un cri alors qu'il gravissait les escaliers. Il se précipita aussitôt en direction de la clameur qui provenait de la salle d'armes. Qu'est-ce que cela pouvait bien être ? Un des ses compagnons qui se serait blessé ? Lorsqu'il déboucha dans la salle, il vit Ashabie à genoux, face contre terre, apparemment sans blessure. Ne sachant que penser, il courut vers elle en toute hâte :

Ashabie !

Il la releva doucement en la prenant par la taille, puis regarda tout de suite s'il n'apercevait pas une quelconque blessure. Il n'y en avait pas et il se sentit rassuré, mais il se demanda alors quelle pouvait bien être la cause de tout ceci et en fut inquiet. Il regarda Ashabie dans les yeux et l'interrogea :

Ashabie, qu'est-ce qui s'est passé ? Tu vas bien ?

Ashabie semblait être vidée de son énergie jusqu'à ne plus pouvoir tenir debout, comme si ce qui faisait sa force se désagrégeait : les larmes aux yeux, elle laissa échapper quelques mots entre deux sanglots :

Pour … pourquoi tant de … de drames ? Un ami … de plu … de plus … parti hors … hors du mon … mon … monde terrestre …

Comprenant soudain, Enguerran baissa légèrement la tête, compatissant et gêné par la situation. Puis il la releva et voulut réconforter son amie, et lui dit ces quelques mots :

Oui, c'est terrible. A moi aussi cela m'est arrivé. Et à bien d'autres personnes également. Mais elles ont réussi à s'en remettre et à se faire une raison. La vie est une longue histoire dont les évènements sont parfois inattendus. Mais je suis sûr que ceux qui nous ont quittés connaissent une paix sereine et le bonheur ultime, et qu'ils ne désirent qu'une seule chose c'est que nous vivions joyeux. Ils vivent encore d'une certaine manière, et nous aiment toujours. Tu peux le sentir dans ton cœur, et tu trouveras alors une joie profonde et sereine.

Il soutint Ashabie et commença à faire quelques pas avec elle vers la porte. Il essaya de lui faire part de son soutien et l'assura de sa disponibilité :

Je vais t'emmener dans ta chambre pour que tu te repose. Quelques heures de sommeil dans un lit bien confortable te feront du bien. Ensuite, si tu veux, nous pourrons parler plus longuement sur ce sujet, si tu ressens l'envie d'en discuter. Et cela te donnera l'occasion d'aller te détendre dans les jardins...

Pas après pas, Ashabie tentait de sécher ses larmes. Elle était à bout de force, à bout de nerfs même, mais elle était venue en cette salle pour s’entraîner. La question était de savoir si elle était encore capable de tenir l’épée qui se trouvait toujours à terre et de frapper sur ce mannequin dont elle voulait refaire la forme quelques minutes auparavant.

Les paroles d’Enguerran étaient réconfortantes, même si la donzelle avait tenté maintes fois de se convaincre avec ce même discours. Il était évident que la vie près du Très-Haut était plus agréable que celle d’ici-bas, mais pour Tamorin, qu’en était-il ? Il avait tué des hommes, et même si le dernier crime était un acte d’amour envers Dieu, il n’en restait pas moins qu’il avait gravement fauté.
Mais la proposition du GM ne pouvait qu’inciter Ashabie à prier plus tôt pour l’âme du pauvre homme qu’on avait envoyé à la potence … triste monde … l’idée qu’on est pu se réjouir de le voir rendre son dernier souffle laissait comme un goût amer au palet de la dame qui avançait alors péniblement pour quitter la salle d’entraînement.

Les jardins ?

Diantre, ils avaient réussi à résister à l’invasion des herbes folles ? Voilà qui était bien étonnant mais qui fit comprendre à la vieille qu’elle-même était ce jardin et qu’effectivement le temps apaiserait toutes les blessures, même si ces dernières ne guérissaient jamais vraiment. Les années passaient et semblaient vouloir renforcer d’avantage son caractère déjà bien difficile à supporter.

Les larmes cessaient peu à peu de couler et Ashabie, d’un revers de manche, essuya celles qui s’obstinaient encore à mouiller ses joues rosies par le coup de chaleur qui avait accompagné cette crise.
Baissant les yeux, elle secoua alors doucement la tête. Le son de sa voix redevenant presque normal, elle enchaina:

Je suis sincèrement désolée de me montrer ainsi … Je pensais être seule dans cette aile du castel … et je ne m’attendais pas non plus à recevoir ce pli …

Elle posa un instant son regard sur ce dernier objet mais ses yeux cherchèrent rapidement une autre cible, la porte.

Et bien si les jardins existent toujours, il me serait bien difficile de ne pas accepter de discuter plus en avant des obstacles qui se dressent devant nous.

Elle ne s’y détendrait probablement pas, mais il est vrai que jamais elle n’avait foulé cette pelouse qui semblait pourtant plus verte qu’ailleurs et mieux entretenue. Certes, elle avait essayé de veiller à ce que le castel tourne encore et que les domestiques effectuent leurs tâches alors que l’endroit était déserté de la quasi-totalité des membres de la confrérie, mais elle n’avait jamais pris le temps de visiter chaque lieu autorisé.

Pourtant ces jardins étaient comparables, si elle comprenait bien, à un havre de paix.

Merci en tout cas d’être venu si vite pour me … hum … ramasser …

Elle étouffa un sanglot tout en se mettant doucement à rire.

Mais je ne vais pas vous retenir plus longtemps, je pense pouvoir retourner seule dans mes appartements … si tenté que je me souvienne s’il me faut prendre le couloir de gauche ou de droite en sortant de cette salle …